Le journal de bord de Susie Boucheaud
Étudiante en Master Métier du livre et de l’édition à l’université Bretagne-Sud (UBS) à Lorient, j’effectue mon stage de première année aux archives départementales de l’Allier pendant deux mois. Étant plutôt du domaine des bibliothèques, j’ai choisi pour ce stage de m’immerger dans le monde des archives afin d’en découvrir les secrets.
Semaine 1
A mon arrivée, le 8 avril, j’ai été accueillie par la directrice adjointe, Véronique Poupin. Elle m’a fait faire une rapide visite du bâtiment et des différents magasins et m’a présentée aux archivistes. J’ai ensuite rencontré mon tuteur de stage, monsieur Linsolas ainsi que les deux archivistes avec qui j’allais travailler, Pierre Taillandier et Clotilde Fleury. J’ai été affectée à la série W. Cette série correspond aux archives contemporaines, soit toutes les archives administratives et judiciaires produites après le 10 juillet 1940, soit la fin de la Troisième République.
Ma première mission a été de traiter un versement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) de Moulins. Qu’est-ce que j’entends par-là ? Et bien j’ai dû classer les dossiers contenus par ordre alphabétique et les reconditionner dans de nouvelles boîtes d’archives.
En effet, si vous ne le savez pas, pour conserver vos archives, il est préférable de le faire dans des boites en cartons qui font entre 8 et 12 cm de largeur maximum. Vous vous demandez certainement pourquoi ? Simplement pour des raisons pratiques et ergonomiques vis-à-vis du poids de la boîte et donc, par conséquent, éviter les risques ostéo-tendineux à l’archiviste qui manipule ces boîtes quotidiennement, ou pour vous-même.
Dès cette première semaine de stage, j’ai pu faire deux visites de contrôle scientifique et technique (CST). Ce sont des visites nécessaires afin de créer un lien entre un service versant et les archives départementales, tant pour les conseiller, que pour préparer les futurs versements ou éliminations de leurs archives.
Cette première semaine a été riche en découvertes. J’ai également été conviée à une réunion au sujet de la préparation d’une exposition. Les archives regorgent d’histoires et donc de sujets d’expositions possibles avec, généralement, de quoi illustrer ces événements historiques. Tout doit être réfléchi : les textes, les illustrations de ceux-ci, la disposition des éléments exposés, etc. Beaucoup de choses qu’on ne voit pas lors de la visite, mais qui sont primordiales.
Semaine 2
Lors de cette deuxième semaine, j’ai traité un deuxième versement, celui de la Protection Judiciaire de la Jeunesse de Cusset. C’est ce versement qui m’a occupé la majeure partie de mon temps.
L’expérience marquante de cette deuxième semaine a été, pour moi, celle de la salle de lecture. Si vous ne le savez pas, vous pouvez venir consulter des archives, et dans ce cas, vous avez accès à la salle de lecture. C’est pour moi le croisement parfait entre la bibliothèque et les archives. J’ai adoré le contact avec les lecteurs, mais aussi l’exercice d’aller chercher les archives dans les différents magasins ainsi que les ranger. La difficulté majeure est de savoir se repérer dans le bâtiment, se souvenir du niveau, du magasin et de l’épi de chaque boîte consultée par les lecteurs.
C’est d’autant plus intéressant que cela permet d’avoir un vrai aperçu de tout ce que l’on peut trouver aux Archives départementales. Vous imaginez bien qu’avec plus de 20 km d’archives au total, il n’est pas possible savoir tout ce que les archives contiennent. Or, grâce à la salle de lecture, on peut en avoir un aperçu plus large.
Lors de cette deuxième semaine, j’ai pu aider à préparer des réponses pour les recherches, reçues par mail ou par courrier, par des personnes comme vous et moi qui cherchent un document précis que les Archives départementales sont susceptibles de détenir.
Pour vous donner un exemple, j’ai cherché un jugement (référé) dans un registre de 1972. Pour cette demande, nous n’avions uniquement l’année de ce jugement, il a alors fallu feuilleter le registre feuille par feuille. C’est un travail qui est long et minutieux mais très enrichissant. Comment retenir sa curiosité pour lire quelques affaires croustillantes qui ont eu lieu à cette époque ?
Au cours de mes pauses, j’ai pu découvrir les pépites dont regorgent les magasins d’archives.
Voici quelques photos que je peux vous partager :
Semaine 3
Au cours de cette nouvelle semaine, j’ai fini de traiter le versement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse de Cusset.
Lundi, on m’a confié une nouvelle tâche pour alterner avec le versement de la PJJ. Je dois prendre tous les bordereaux de la série W un par un afin de compléter un fichier Excel les regroupant tous, dans le but de créer un instrument de recherche.
Pour remplir ce fichier correctement, je dois repérer le numéro de versement, le service producteur, les dates extrêmes et l’année de clôture du dossier, si celle-ci est indiquée et également rédiger une description sommaire afin qu’en une phrase on ait une bonne idée de son contenu.
Effectivement, tous les documents qui sont versés aux Archives départementales ne sont pas communicables immédiatement. Le principe de libre communicabilité des archives publiques s'applique dès lors que celles-ci ne mettent pas en cause l’un des intérêts protégés par la loi (protection de la vie privée, secret médical, défense nationale, sûreté de l’État...).
Les plus utilisés sont :
- 25 ans après le décès ;
- 50 ans à partir du document pour la protection de la vie privée ;
- 120 ans à partir de la date de naissance pour le secret médical.
J’ai pu découvrir le travail de certains de mes collègues. Je me suis entretenue avec Marie-Élisabeth Bruel et Jean-Thomas Bruel. C’était réellement passionnant de discuter avec eux et extrêmement enrichissant. Je vous invite très fortement à aller voir l’article qu’a fait Marie-Élisabeth Bruel sur les sceaux bourbonnais intitulé
Semaine 4
Je vais principalement vous parler d’une découverte que j’ai faite.
Lors de ma première semaine, j’avais assisté à une réunion pour préparer une exposition qui aura lieu dans la tour de la Mal-Coiffée du 1erjuillet 2024 au 21 septembre 2025 et qui sera visible au public via les visites guidées. Dans cette ancienne prison, comme vous le savez peut-être ou non, des graffitis ont été retrouvés sur les murs, faits pas des personnes qui auraient séjourné dans la prison.
Par exemple : « KLEIN Pierre entré le 11-1-45 »
« LAJONCHERE Pierre condamné à mort le 22 mars 1945 »
Il y a peu, le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure a versé les registres d’écrou de la prison de la Mal-Coiffée. Je me suis chargée de ce versement, ce qui a consisté à remettre les registres dans l’ordre (maison de justice / maison d’arrêt) et d’indiquer les dates extrêmes.
J’ai tenté de retrouver les noms gravés dans les registres d’écrou. Ce fut une grande expérience pour moi car la recherche a été fructueuse. Cela constitue donc une preuve de leur passage à la Mal-Coiffée.
Semaine 5
Pour cette courte cinquième semaine, je me suis occupée d’un versement émanant de la Préfecture de l’Allier. Il avait bien été préparé par le service « Pôle relations avec les usagers ». Il m’a simplement fallu vérifier la cohérence entre le contenu de chaque boîte (arrêtés préfectoraux) et leur description sur le bordereau.
Je vous avais dit précédemment que vous pouviez demander des renseignements ou des documents aux archives, par mail ou par courrier. Afin d’avoir une idée plus large des demandes qui sont faites, j’ai interrogé mes collègues sur le sujet. J’ai pu découvrir que dans la série W, il y a des documents qui reviennent souvent comme des jugements de divorces, des documents pour compléter une succession, des bulletins de salaires pour constituer un dossier de retraite, etc.
Semaine 6
Pour commencer cette nouvelle semaine, j’ai commencé par regarder tous les dossiers d’un versement contenant des demandes de naturalisations d’étrangers afin de trouver les dates extrêmes de chaque boite de ce versement. Je vous en ai déjà parlé, mais les dates extrêmes ont une grande importance car, c’est grâce à elles que nous pouvons calculer les délais de communicabilité des dîtes boites.
Un autre versement intéressant qu’on m’a confié, a été celui de la Direction départementale des Territoires (DDT) contenant des informations sur les digues domaniales et non domaniales. Pour le traiter, j’ai dû prendre chaque document présent dans les boites afin d’en faire une description succincte, mais essentielle pour savoir ce que contient ce versement, comme vous pouvez le constater sur les extraits des bordereaux.
Semaine 7
Au cours de cette septième semaine, j’ai traité deux versements de la direction des territoires de l'offre médico-sociale. Les bordereaux ayant été bien préparés par le service versant, il m’a simplement fallu vérifier le contenu de chaque boite et leurs dates extrêmes. Même si peu de modifications sont à apporter au bordereau, vérifier chaque boite prend du temps, c’est pourquoi ces deux tâches m’ont pris toute la semaine.
Semaine 8
Pour cette dernière semaine de stage, j’ai aidé ma tutrice, Clotilde Fleury, dans le traitement de son versement. Les archives départementales ont récupéré pour la première fois les dossiers d’enfants placés d’urgence et confié à l’association « Le Cap ». Ces dossiers individuels constituent des ressources importantes pour suivre l’histoire des enfants.
Nous les avons reclassés par ordre alphabétique et chronologique, en renseignant un fichier Excel avec le nom, prénom, date de naissance et année de sortie du foyer d’urgence. Cet outil de recherche est indispensable pour retrouver un dossier.
Ce stage touche à sa fin. Ce fut une merveilleuse expérience pour moi et remercie chaleureusement toute l’équipe des archives qui m’a accueillie et énormément appris. Je tiens à remercier tout particulièrement le directeur, monsieur Linsolas, et mes deux tuteurs et collègues de la série W, Pierre Taillandier et Clotilde Fleury.